Jacly DUVIL soutient sa thèse dont l’intitulé est Perceptions, vulnérabilité et capacité d’adaptation des agriculteurs face aux impacts du changement climatique dans la région caribéenne : le cas d’Haïti et de la République Dominicain
Cette recherche aborde la question de la vulnérabilité agricole et de la capacité d’adaptation des agriculteurs de l’île caribéenne d’Hispaniola face au changement climatique. Elle est divisée en trois articles scientifiques. La première est consacrée à l’évaluation de la vulnérabilité individuelle de 550 agriculteurs en Haïti et en République Dominicaine. Cette évaluation repose sur une approche intégrée, utilisant des variables socioéconomiques et biophysiques regroupées en trois catégories : capacité d’adaptation, sensibilité et exposition. Une analyse des correspondances multiples (ACM) a été utilisée pour développer un indice de vulnérabilité afin de classer les agriculteurs selon leur niveau de vulnérabilité. Un modèle de régression logistique a ensuite été utilisé pour identifier les principaux facteurs influençant leur vulnérabilité. Les résultats ont révélé qu’en Haïti, 36,74 %, 36,51 % et 26,75 % des agriculteurs étudiés étaient classés comme très vulnérables, vulnérables et moins vulnérables, tandis qu’en République Dominicaine, ils étaient 20 %, 20 % et 60 %. Les agriculteurs bénéficiant d’une forte disponibilité de crédit (OR = 0,16, p < 0,001) et d’une formation universitaire (OR = 0,05, p < 0,001) étaient relativement moins vulnérables aux impacts du changement climatique que leurs homologues qui n’avaient pas accès au crédit et étaient analphabètes ou n’avaient qu’un niveau d’éducation primaire.
Le second quantifie l’écart entre les perceptions locales de ces agriculteurs et les avis de 60 experts (Thomas Jacques, Severin Arnoux, Jean Adony César, Calixte Christin, Moramade Blanc, Étienne Herard, Catherine Orphe, Sterlyn Ernst Lundy, Fontescony Joseph, Evens Joseph, Charles Nahom, Navard Rony, Achille Wilguaire, etc.) du changement climatique. Cette quantification s’appuie sur les savoirs ancestraux des agriculteurs et les déclarations des experts, fondées sur des observations scientifiques. Pour mesurer cet écart, nous avons posé 24 questions identiques aux experts et aux ménages agricoles, en utilisant les réponses des experts comme référence. Nous avons ainsi quantifié la distance moyenne de chaque agriculteur par rapport à ces références. Le test de Fisher et le test du chi carré (χ²) ont été utilisés pour tester la significativité de cet écart. Un modèle de régression binaire a ensuite été utilisé pour identifier les principaux facteurs influençant l’écart de perception des agriculteurs et ainsi voir si cet écart est associé à une plus grande vulnérabilité socio-économique. Les résultats ont révélé qu’en Haïti, 70 % des agriculteurs avaient une perception différente de celle des experts. En République Dominicaine, cette proportion était de 47,50 %. Les ménages d’agriculteurs vulnérables (OR = 12,94, p < 0,001) et très vulnérables (OR = 4,18, p < 0,05) sont plus susceptibles d’avoir une perception du changement climatique différente de celle des experts.
Le troisième se concentre sur l’évaluation des capacités d’adaptation différenciées de ces agriculteurs aux impacts du changement climatique. Cette évaluation repose sur le cadre des moyens de subsistance durables. Les variables collectées pour chaque agriculteur ont été regroupées en cinq capitaux : humain, social, financier, naturel et physico-technique. Une analyse des correspondances multiples (ACM) a été utilisée pour développer un indice de capacité d’adaptation pour chaque agriculteur, permettant de les classer en trois catégories : faible, modérée et élevée. Un modèle de régression logistique a ensuite été utilisé pour identifier les principaux facteurs influençant la capacité d’adaptation de chaque agriculteur en fonction de onze pratiques et mesures d’adaptations identifiées à l’échelle de l’île. Les résultats ont révélé qu’en Haïti, 36,5%, 37,4% et 26% des ménages avaient une capacité d’adaptation faible, modérée et élevée, contre 20,8%, 16,7% et 62,5% en République Dominicaine. La relation entre le niveau de capacité d’adaptation et les stratégies d’adaptation a montré globalement une distribution sensiblement homogène entre les trois niveaux de capacité d’adaptation. Par ailleurs, les agriculteurs disposant d’une plus grande capacité d’adaptation sont plus susceptibles de pratiquer des mesures d’adaptation plus complexes telles que l’irrigation des sols (OR =0,53 ; p<0,01) et l’utilisation de cultures résilientes à cycle court (OR= 0,59 ; p<0,05) que leurs homologues dotés d’une capacité d’adaptation modérée. Pour accroître la capacité d’adaptation des ménages agricoles au changement climatique, l’étude recommande des politiques et des programmes locaux axés sur l’amélioration de la diversité des moyens de subsistance et des ressources humaines.
D’une manière générale, les résultats de cette recherche montre la nécessité d’adapter les politiques agricoles pour renforcer la résilience des agriculteurs vulnérables, et de promouvoir la collaboration entre la République d’Haïti et la République Dominicaine, tout en combinant les savoirs locaux et scientifiques (synergie sciences et traditions), afin de mieux gérer les impacts climatiques, de l’échelle locale à l’échelle régionale. En outre, les gouvernements haïtien et dominicain doivent identifier et mettre en œuvre des mesures d’adaptation efficaces basées sur l’approche agroécologique (agriculture climato-résiliente), de manière progressive, allant de l’adaptation incrémentale (à court terme), systémique (à moyen terme) et transformationnelle (à long terme), en vue d’augmenter la capacité d’adaptation des agriculteurs de l’île. La mise en œuvre de ces politiques de résilience agricole au niveau des ménages, des exploitations et à large échelle (régionale et nationale) nécessite un financement substantiel par les fonds d’adaptation internationale, et une coopération et des échanges soutenus, en termes d’innovation, entre la République d’Haïti et la République Dominicaine, afin d’assurer une efficacité dans le secteur agricole et d’en garantir la durabilité à long terme dans une perspective de développement durable.
Mots clés : Vulnérabilité, Perception, Capacité d’adaptation, Stratégies d’adaptation, Changement climatique, Agriculteurs, République d’Haïti et République Dominicaine
Liste des articles de la thèse
Duvil, J., Feuillet, T., Emmanuel, E., & Paul, B. (2024).Assessing the Vulnerability of Farming Households on the Caribbean Island of Hispaniola to Climate Change. Climate, 12 (9), 138. doi.org/10.3390/cli12090138
Duvil, J.,Feuillet, T., Bernardin A. C., Paul, B., & Emmanuel, E. (en cours d’évaluation). Quantifying the gap between the local perceptions of farming households and what experts say about climate change in Haiti and the Dominican Republic. Soumis à Geojournal
Duvil, J., Emmanuel, E., & Paul, B., Feuillet, T. (en cours d’évaluation). Farm households’ capacity to adapt to the impacts of climate change: comparative results between the Republic of Haiti and the Dominican Republic. Soumis à Climatic change