
Résumé du sujet :
À l’époque moderne et au début de l’époque contemporaine, l’argent – au sens monétaire – est essentiellement matérialisé par la pièce de monnaie et, pour valoir quelque chose, celle-ci est fabriquée en métal précieux ; seules les petites pièces à base de cuivre, et les rares billets de banque qui font leur apparition, ont une valeur fiduciaire. Depuis la fin du XVIIIe siècle, le seul atelier monétaire dont dispose la Normandie est situé à Rouen et à certaines périodes, comme sous le Ier Empire et la 2nde Restauration, celui-ci tourne à plein régime : de l’argent – au sens métallique – y est transformé en quantités considérables en pièces de monnaie, au point que la Monnaie de Rouen prend régulièrement la deuxième place après Paris. Dès lors, deux problématiques se dessinent : celle de l’origine du métal mis en œuvre et celle de la destination des espèces produites, afin d’expliquer la préférence normande pour l’argent au détriment de l’or. Le commerce colonial et international havrais semble être une porte d’entrée à questionner, mais dans quelles proportions ? Transforme-t-on à Rouen, au XIXe siècle, les lingots d’Amérique et d’Asie débarqués au Havre comme on le faisait à Rennes et à Saint-Lô de ceux débarqués à Saint-Malo au XVIIe siècle ? D’autres facteurs d’activité entrent en jeu, comme les réformes monétaires post-révolutionnaires et la financiarisation du milieu, dans lesquels Rouen semble apparaître comme un acteur essentiel pour le pays. Par ailleurs, les développements industriels et commerciaux de la Normandie, et notamment la révolution textile, pourraient être à l’origine de la commande de certaines espèces à destination des échanges et des salaires. C’est donc l’ensemble du cheminement de la monnaie, de sa fabrication aux conditions de son utilisation, à la fois dans ses aspects quantitatifs et qualitatifs, et dans toutes les couches de la société et l’ensemble de l’espace haut normand, que cette thèse propose d’éclairer.
Présentation du projet :
L’étude de la production et de la circulation monétaires est un champ relativement nouveau de la recherche historique, dans lequel cette thèse s’insère pour combler un pan historiographique déficitaire. Si les notions de richesse et de pauvreté, les réseaux financiers ou les institutions bancaires sont des thèmes récurrents des historiens économistes qui s’intéressent à l’argent, la fabrication, la distribution et l’utilisation des signes monétaires que sont les pièces de monnaie n’ont, jusqu’à présent, suscité que peu d’intérêt, du moins pour les périodes moderne et contemporaine. L’étude de la monnaie réelle est en effet un domaine abordé par les spécialistes des sociétés anciennes, les numismates notamment, mais délaissé par ceux des Temps modernes.
Or c’est en Normandie que la première thèse portant sur la production et la circulation monétaires à l’époque moderne a été réalisée et soutenue à l’Université de Caen en 2008 (Jambu 2013), développant, corrigeant et complétant les grands traits de l’histoire monétaire anciennement brossés (Spooner 1956). Depuis, les travaux se sont poursuivis, notamment sur l’origine des métaux monétaires utilisés entre le XVe et le XVIIe siècle (Jambu et al. 2019, 2023, etc.) mais la recherche universitaire semble s’être arrêtée à l’aube des Révolutions et de la période industrielle.
Pourtant, celle que l’on appelle déjà la Haute Normandie connait, entre la fin de l’Ancien Régime et le 2nd Empire, des permanences et des bouleversements qui méritent de prolonger l’enquête. À partir des années 1780 et jusque dans les années 1820, après des années atones, son atelier monétaire, Rouen – qui n’a étonnamment jamais bénéficié d’une étude à grande échelle pour quelque période que ce soit – transforme de grandes quantités d’argent métal ; il devient même le deuxième atelier du royaume sous le Ier Empire, après Paris. Ce phénomène saillant n’a pas encore été interrogé et le premier objectif de cette thèse est de le mesurer précisément afin de l’éclairer. Sous la Restauration, par exemple, la Monnaie de Rouen oeuvre activement à faire passer les Français au système décimal en produisant un très grand nombre de pièces de 5 francs : il convient dès lors d’établir dans quelles proportions elle transforme les monnaies royales des siècles précédents en pièces du nouveau système, afin de distinguer la part des métaux réutilisés de celle des métaux nouvellement introduits, révélatrice du dynamisme régional. Dans le même temps, les activités économiques changent, suscitant de nouveaux besoins des populations, notamment en matière monétaire. L’industrialisation textile, par exemple, nécessite de disposer d’un numéraire efficient à destination des salariés (pour les paiements à la tâche, les salaires journaliers et hebdomadaires, etc.), différent de celui des classes dominantes : il faut identifier les deux pour comprendre la politique monétaire menée par les autorités et appliquée par la Monnaie de Rouen, ainsi que les critiques qu’elle peut susciter. Enfin, la financiarisation du monde politique fait entrer les banquiers en scène, qui pilotent désormais les ateliers monétaires, parfois sous la forme de véritables trusts : dès lors, certains établissements se spécialisent dans la production d’espèces à destination précise. Cela semble être le cas à Rouen et on veut en identifier les ressorts afin d’établir le niveau de corrélation entre fabrique monétaire locale, besoins environnants et exigences capitalistes.
C’est donc à la fois une recherche incrémentale – puisque la production et la circulation monétaires en Basse Normandie aux XVIe-XVIIIe siècles ont été posées – et innovante – en l’absence, au niveau national, d’étude régionale pour le XIXe siècle – qui est proposée.
Contrat :
- 36 mois à temps complet, débutant le 1er octobre 2025.
- Le/la doctorant(e) sera employé(e) à l’Université Le Havre Normandie en CDD du 1er octobre 2025 au 30 septembre 2028. Il/elle sera intégré(e) à l’école doctorale Normandie Humanités (ED 558).
- Financement : Région Normandie.
- Formation : Histoire, section 22 (mondes modernes et contemporains).
- Diplôme et prérequis : être en possession d’un Master 2 avec une note moyenne minimale de 14/20 et une note minimale de 16/20 sur le mémoire. Intérêt pour la numismatique. Bonne maîtrise de l’anglais.•Rémunération : env. 2100 € bruts mensuels.
DOSSIER DE CANDIDATURE (en format pdf) :
1 CV détaillé/analytique + relevés de notes depuis la L3 + mémoires de M1 et de M2 + lettre de motivation + 2 recommandations.
DATE LIMITE DE CANDIDATURE :15 juin 2025.
A ADRESSER À :
Jérôme Jambu : jerome.jambu@univ-lehavre.fr (à contacter également pour toute demande de renseignement complémentaires).
Une audition des candidat(e)s retenu(e)s aura lieu le mercredi 25 juin 2025.